Entrevue avec Jennifer Tremblay, éditrice de La bagnole

 
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9 avril 2013

Jennifer Tremblay est la fondatrice de la maison d'édition La Bagnole, une femme déterminée et créative qui est fidèle aux auteurs qui la passionnent. L'ayant rencontrée à l'occasion du lancement de Neuf bonnes nouvelles et une moins bonne (à vous de trouver laquelle), j'ai eu envie d'en découvrir un peu plus à son sujet et à propos de la collection Gazoline. Voici donc l'entrevue qu'elle m'a offerte. 

Comment est née la collection Gazoline? À quel besoin répond-elle?

Il était évident que la Bagnole devait publier des romans pour la jeunesse. Cependant, des romans pour les jeunes lecteurs, il y en a beaucoup! Je me suis longuement questionnée : quand j'avais 12 ans, qu'aurais-je aimé lire? Aussi, puisqu'il est très important pour moi que nos livres respectent et nourrissent l'intelligence des enfants, il fallait à tout prix que les textes possèdent de grandes qualités formelles.

D’où est venue l’idée des « Dossiers Gazoline »?

Cette collection est aussi née de mon désir de répondre aux questions que les jeunes lecteurs passionnés, qui sont aussi, souvent, des écrivains en herbe, pourraient se poser. Je voulais aussi leur refiler des trucs du métier, d'une façon simple et efficace. Finalement, on entend souvent des mauvaises langues dire que les jeunes manquent de culture... j'ai pensé que ce serait une bonne façon d'enrichir leurs connaissances générales de façon amusante.

Comment choisissez-vous les textes qui les composent?

J'essaie de valoriser des aspects du style de l'écrivain, ou de répondre à des questions qui semblent fondamentales dans chacun des cas.

Pourquoi avoir choisi de mettre les définitions de certains termes?

J'encourage les auteurs à utiliser un vocabulaire très riche, inutile de vous expliquer pourquoi... Or ni vous ni moi ne lisons avec un dictionnaire à portée de la main. On ne peut pas demander aux enfants de le faire! À l'école, oui, bien sûr... Mais ils ont bien le droit de se reposer de temps en temps, par exemple dans leur lit, le soir! Avec les petites notes de bas de page, on enrichit son vocabulaire sans trop s'en rendre compte.

Quel public visez-vous avec cette collection? Sur quoi se base la classification de débutants à experts?

Pour moi ce n'est jamais une question d'âge, mais de niveau de lecteur. La collection GAZOLINE, c'est pour tous ceux qui ont envie de lire la collection GAZOLINE! Cependant, je détermine un niveau de lecteur en fonction du style de l'écrivain. Je pense par exemple à Laurent Theillet : ses phrases sont longues, son vocabulaire est riche et précis, ses descriptions de lieux et de gens sont subtiles et complexes... Il s'adresse vraiment à un lecteur audacieux! Un lecteur qui a envie de faire des efforts pour suivre l'écrivain jusqu'au bout.

Qu’est-ce qui vous a amené dans le monde de l’édition? 

J'ai beaucoup lu. Beaucoup écrit. J'ai étudié en littérature. J'ai été scénariste. J'ai écrit un roman. Il a été refusé dans toutes les maisons. J'ai écrit des histoires pour mes enfants, Matisse, Sacha et Miro. Mon mari, qui était un grand rêveur, a pensé que tout ce que j'écrivais méritait d'être publié. Il a voulu que l'on fonde une maison. On l'a fondée. On a publié tous mes livres. On a travaillé très très fort. Très fort. Puis au bout de sept ans, au moment où la maison prenait véritablement son envol, la charge de travail est devenue trop importante pour deux personnes. On a trouvé un acheteur... et on s'est joint au groupe Ville-Marie Littérature. Je suis restée au volant, comme directrice littéraire.

Que préférez-vous de votre métier, qu’aimez-vous le moins?

J'aime absolument tout de mon métier sauf refuser des manuscrits. C'est un métier qui demande de développer des habiletés dans beaucoup de domaines. J'aime apprendre, et comme j'apprends tous les jours, je suis comblée!

Quels titres vous ont marquée cette année? Pourquoi?

Au printemps, dans la collection GAZOLINE, nous publions un roman de Max Férandon : La corde à linge. Ce livre est si gai, si poétique, que j'ai décidé d'inventer un genre pour le classer : le roman "fleuri". Oui, c'est aussi pour les garçons!

Mais vous voulez sûrement parler de mes lectures personnelles? Ah! Ça c'est une autre histoire... J'ai ADORÉ La saison des pluies, de Mario Brassard, lu avec mon cadet, un soir d'automne. C'est un roman jeunesse publié chez Soulières Éditeur. Il a remporté le Prix TD cette année.

Rafale lecture ! 

Enfant, étiez-vous une grande lectrice?

Oh! Oui! C'était vraiment mon activité préférée. Je lisais même en marchant vers l'école. Je suis tombée du trottoir plusieurs fois! Ma mère m'obligeait à aller jouer dehors... alors je me cachais dans la haie pour lire!

Qui vous a donné le goût de lire? 

Comme je suis née en région éloignée, il n'y avait pas de librairie. Ma mère m'a inscrite à un club de lecture Walt Disney. Je recevais deux albums par mois. Nous n'étions vraiment pas riches, mais pour ma mère c'était très important cet abonnement... Elle-même lisait beaucoup. Je l'ai imitée dès que j'ai su tenir un livre dans mes mains.

Quel mot décrit le mieux votre relation avec les livres? 

C'est une relation très compliquée. J'adore les livres, bien entendu. Mais mon métier m'a rendue anxieuse face à l'objet : il y en a tant... quand j'entre dans une librairie, et que je vois toutes les nouveautés, je suis prise de vertige. Aussi, je suis devenue très difficile avec le temps. C'est rare que je termine un roman. Rare que je m'y intéresse jusqu'au bout. Par contre, quand j'aime vraiment un livre, je ne peux plus le déposer. Je le relis. La relation devient très intense et très intime. J'aime lire toute l'oeuvre d'un même auteur. Je préfère connaître quelques auteurs très bien que de lire de tout et de tout le monde... Tu vois, ce n'est pas simple!

Quel est votre livre préféré?

En ce moment précis, c'est Lettre d'une inconnue de Stefan Zweig. J'ai hâte aux vacances pour le relire. Vingt-quatre heures de la vie d'une femme m'a aussi marquée...

Quel roman a marqué votre adolescence?

J'ai beaucoup lu de romans grands publics pendant mon adolescence, des traductions d'épopées historiques publiées aux États-Unis, par exemple. Mais j'ai compris que je voulais être écrivaine quand je suis tombée sur L'étranger, d'Albert Camus. Dès la première phrase, j'ai senti que j'étais face à quelque chose de nouveau, enfin quelque chose que je ne connaissais pas. Après, j'ai cherché à retrouver cette impression.

Quel est le livre sur votre table de chevet?

Il pleuvait des oiseaux, un roman de Jocelyne Saucier publié chez XYZ.

Dans quel endroit préférez-vous lire?

N'importe où. Pourvu que ce soit confortable. Pour moi la question c'est plus quand? J'adore lire quand je suis absolument seule à la maison pour plusieurs heures.

Si vous étiez un livre, lequel seriez-vous? 

Je serais heureuse d'être une vieille Bible oubliée dans une bibliothèque poussiéreuse, bien protégée par ma reliure en cuir, gardienne d'histoires merveilleuses, d'histoires douteuses; gardienne de la mémoire de l'humanité. On n'oserait jamais se débarrasser de moi en plus!

Vous avez trouvé une faute ? Oui, j'en laisse parfois passer. N'hésitez pas à me la signaler à sophiefaitparfoisdesfautes@sophielit.ca et je la corrigerai ! Merci et bonne lecture ! :-)
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Missou (29.01.18 à 21 h 19)

Chere Jennifer, en lisant votre entrevue , j'ai été charmée de vos réponses ! "Etre une vieille Bible...gardienne de la mémoire de l’humanité." Grandiose, Magnifiquement dit ! Merci …
Je découvre Bagnole ....et souhaite vivement être bientôt parmi vos auteurs :)

Bien à vous, Missou V-S.

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